La question du jour : débat "varicelle, dosage anticorps, vaccination"
J'ai une question concernant un patient homme de 24 ans, à qui il avait été prescrit une sérologie varicelle car il n'était pas sûr de l'avoir eu dans l'enfance, et il a un projet d'enfant avec sa compagne. Sa sérologie retrouve un taux d'IgG à 134, ce qui correspond pour le laboratoire à "traces", le seuil de positivité confirmée étant au-dessus de 150. J'ai appelé la médecin biologiste qui me dit qu'il est donc très faiblement protégé et a de grande chance de développer la varicelle en cas de contage. Elle conseille de le vacciner. Qu'en pensez-vous ? Faut-il faire un schéma de vaccination complet à deux injections ?
La réponse Infovac : Votre question apparemment toute simple a suscité de nombreux débats entre les experts infovac !
Pour répondre le plus simplement à votre question : oui , il faut 2 doses de vaccin, cf page 34 du pdf Calendrier vaccinal 2019. (6.63 MB)
C’est louable que cet homme veuille protéger sa compagne, son futur enfant et lui-même, mais si vous lisez cette page 34 , il est hors recommandations stricto-sensu !
Vous trouverez ci-dessous plusieurs réponses, que j’ai remises en forme et anonymisées, et vous pourrez constater que la vaccinologie n’est pas une science simple ! J’essaie cependant de vous donner une réponse de bon sens finale : savoir si sa compagne est immunisée semble primordial et elle relève d’une vraie recommandation si elle ne l’est pas. Maintenant que ce jeune homme a eu une sérologie qu’il n’aurait théoriquement pas dû avoir, on ne peut pas revenir en arrière ! Donc lui expliquer que, théoriquement toujours, il a dû rencontrer le VZV et qu’il réactivera spontanément son immunité s’il le rencontre à nouveau : donc inutile de vacciner. Par ailleurs, si son souhait est d’être certain d’être protégé, il n’y a aucun problème pour le revacciner même à 2 doses suivant schéma de chaque vaccin : 2 doses espacées de 4 à 8 semaines (VARIVAX) ou de 6 à 10 semaines (VARILRIX). Théoriquement, il faudrait mettre sur l’ordonnance de prescription, la mention NR (non remboursable), mais je vous laisse juger de votre prescription.
- « Il me semble prudent de le considérer comme non protégé. En revanche, la vaccination est recommandée chez les femmes en âge de procréer, pas les hommes ou entre 12 et 18 ans si pas d'antécédents. Le problème, c'est la varicelle gravidique et la transmission materno-foetale. S'il y tient... Ce serait évidemment 2 doses. »
- « J’ai regardé à cette occasion ce qui est écrit dans le futur document has sur rattrapage, les sérologies varicelle en laboratoire de ville ne sont pas fiables pour déterminer un seuil d’immunité. A priori, le sujet est immunisé malgré ce taux faible, comment on répond à chaque fois, mais une dose complémentaire ne pourrait qu’être utile à relancer la protection sans effet secondaire et sans besoin de contrôle sérologique ultérieur; Un seul objectif : protection de la femme enceinte si elle-même ne sait pas si elle a eu la maladie, cela rassurera pendant la grossesse et c’est ce qui compte ! »
- « Qu’est ce qui permet de dire au biologiste que ce monsieur ne réactivera pas sa mémoire immunitaire s’il rencontre le virus de la varicelle ? S’il y a des Ac , xx temps après avoir rencontré le virus (on ne connaitra jamais le xx : forme inapparente), c’est qu’il a rencontré le virus... à moins que la méthode utilisée pour doser les Ac ait une mauvaise spécificité. Moi, je n’aurais rien fait , mais une dose voire 2 de vaccin, ça ne peut pas faire de mal (sauf au sujet ! et au porte-monnaie !! si on généralise ce genre d’attitude. »
- « Dans mon expérience, lorsqu’un laboratoire de routine confirme la présence d’anticorps spécifiques même à taux faibles, ils sont toujours largement au-dessus du seuil de protection mesurés, avec des tests suffisamment sensibles ! Et à moins de la survenue de nouveaux facteurs de risques (Immunosuppression...), lorsqu’on a fait une première varicelle peu sévère, la seconde a peu de chances d’être plus grave... Donc je n’aurais pas revacciné… »
- « Je trouve que cette histoire est intéressante, et que la réponse n’est pas si évidente. Cet homme jeune pense n’avoir pas eu de varicelle et son désir est de ne pas la contracter pour protéger sa compagne. Dans ce cas de doute, une sérologie a été prescrite comme le suggère, sans y forcer, le calendrier vaccinal. La discussion repose sur un résultat d’interprétation également douteuse. Si la seule présence d’anticorps sans notion de taux protecteur suffit, il est peu utile de le vacciner… Il y a cependant une hésitation liée à la variabilité des tests biologiques souvent critiqués pour d’autres antigènes, ex rubéole. Peut-on rassurer totalement ce patient inquiet ? On ne sait pas si son épouse a eu la varicelle , ce qui serait un réponse rassurante . Personnellement je suis de l’avis précédent. Mais si le médecin, devant ces doutes, lui fait une dose on ne peut pas le lui reprocher. »
- « Merci de ces réflexions pleines de sagesse. On peut ajouter qu’il n’y a aucun risque à le vacciner, mais nous n’avons pas, me semble-t-il, les moyens de répondre aux questions : "est-ce utile ? Faut-il le faire ? Il nous faudrait une étude séroépidémiologique dans la population française avec cette méthode de dosage des Ac. En dehors de ça, on ne peut décider qu’au « feeling »... mais ça fait partie de notre métier… »
- « On demande des examens et ils ont leurs limites :
- on demande à la sérologie d'évaluer un contact antérieur avec le VZV. Ici elle est positive : Ac détectables à la limite du seuil. Il est grand quand même pour que ce soit des anticorps d'origine maternelle.
- est-ce qu'avec ce taux on peut affirmer la protection ? La réponse est non. Ici se pose le choix des seuils avec zéro ou au-delà du seuil où la réponse est "négatif" ou "positif". A côté, il y a une zone grise ou d'incertitude que le laboratoire ne souhaite pas trancher, mais qui amène à une réflexion selon le contexte clinique.
- cette personne est-elle protégée ? Peut-être, mais on ne peut affirmer qu'il ne refera pas une varicelle clinique ou infraclinique (on décrit jusqu'à 5 épisodes).
- faut-il demander une sérologie en dehors de la femme enceinte ? La réponse est non.
- est-ce qu'on peut vacciner : la réponse est oui, et peut-être qu'il n'aurait pas fallu faire la sérologie et vacciner cette adulte sans ATCD connu. Il aurait alors eu 2 doses.
- est-ce que l'on doit vacciner ? Pour le Zona, on refait bien un vaccin VZV, alors ? Donc en théorie , on peut revacciner.
- faut-il vacciner pour relancer la réponse immune ? Sur quelles données cela repose ? La maladie fera mieux que le vaccin de toute façon. En France, où le VZV circule, la probabilité que cette personne rencontre le virus est forte et ce sera l'occasion pour lui de booster sa réponse immunitaire naturellement. En tout cas pour un homme, je ne proposerai pas la vaccination avec cette sérologie positive… »
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