Bulletin N°2 - Février 2025

Bulletin N°2 - Février 2025

L’actualité est tellement riche que pour une fois, le bulletin comportera 2 pages.

Cet hiver a été marqué par une épidémie de grippe intense et une augmentation exceptionnelle des infections invasives à méningocoques (IIM) déjà amorcée au cours de l’année 2024. Ces phénomènes sont dus en partie à des facteurs naturels, notamment à une baisse de l’immunité de groupe liée en partie aux conséquences des mesures d’hygiène imposées par la pandémie, mais également à des couvertures vaccinales insuffisantes.

Grippe : une triple circulation virale et une couverture vaccinale faible. Trois virus grippaux — A(H1N1), A(H3N2) et B/Victoria — ont circulé simultanément, générant des pics épidémiques quasi synchronisés, une situation inhabituelle. Cette épidémie a été exacerbée par une couverture vaccinale insuffisante, en particulier chez les enfants. Les premières données d’efficacité sur le terrain des vaccins cette année sont contrastées, aussi bien en France [Blanquart F, Euro Surveill. 2025;30(7)] qu’en Europe et aux États-Unis. En France, l’efficacité vaccinale globale apparaît relativement modeste, avoisinant 40 %, mais varie fonction de l’âge et du type de virus impliqué :

  • Par tranche d’âge: plus de 65 ans = 22 % (IC95 % : 13-30 %), moins de 65 ans : 60 % (IC95 % : 56-64 %)
  • Par type de virus: B : 75 % (IC95 % : 66-82 %), A : 26 % (IC95 % : 18-34 %)

L’étude menée aux États-Unis (où la couverture vaccinale infantile est bien supérieure) compare l’efficacité vaccinale chez les enfants et adolescents (<18 ans) à celle des adultes.

  • Par tranche d’âge : Quel que soit le système de surveillance, l’efficacité vaccinale est globalement plus élevée chez les plus jeunes, à l’exception du sous-type A(H1N1).
  • Par type de virus : L’efficacité est nettement meilleure contre les virus B, suivis du A(H1N1), lui-même supérieur au A(H3N2).

Ces résultats confirment plusieurs points clés : Il est crucial de poursuivre la vaccination des seniors, bien que l’efficacité vaccinale soit plus faible dans cette tranche d’âge, car ils restent les plus vulnérables aux formes sévères de la grippe. La vaccination des enfants, particulièrement efficace dans cette population, doit être renforcée, ces derniers jouant un rôle important dans la transmission du virus au sein de la communauté. Depuis 2 ans, la Commission Technique des Vaccinations (CTV) conseille la vaccination de tous les enfants à partir de deux ans, de préférence par le vaccin nasal, nécessaire pour atteindre une couverture vaccinale plus élevée. Or, la Commission de Transparence (CT) a jugé que le celui-ci n’apportait aucune amélioration du service médical rendu (ASMR) par rapport au vaccin injectable  le vaccin nasal n’est pas disponible en France !!! Peut-être serait-il utile qu’elle interroge directement les enfants et leurs parents : préfèrent-ils recevoir quelques gouttes dans le nez ou une injection intramusculaire ? Ce manque de pragmatisme rappelle la décision sur le Beyfortus®, elle estimait en première analyse qu’il n’y avait pas d’ASMR par rapport aux 5 injections de Synagis® !!!

Enfin, la moindre efficacité observée contre A(H3N2) et la disparition de la souche B Yamagata a conduit à une révision de la composition du vaccin pour la prochaine saison : il s’agira de nouveau de vaccin trivalent avec une seule souche B, la souche A(H3N2) sera remplacée par la souche Colombia, en lieu et place des souches Thaïlande ou Massachusetts.

Méningocoques : un retard de vaccination avec de lourdes conséquences. L’intensité de la grippe, facteur favorisant bien documenté des IIM depuis plus de 30 ans (Hubert, JID 1992, pages 542–545), combinée à la dette immunitaire post-COVID, contribue à l’explosion actuelle des infections à méningocoques. Si la recommandation de la CTV de vacciner les adolescents contre les sérotypes ACWY a été tardive face au rebond prévisible des IIM post-COVID, elle existe néanmoins depuis deux ans et les couvertures vaccinales sont faibles. En effet, aucune autorité de santé n’a mis en place de campagne de promotion et de communication vis à vis des professionnels de santé ou du public. Une fois de plus on constate que recommander un vaccin ne suffit pas. De plus, bien que la CTV ait demandé le remboursement de la vaccination contre le méningocoque B chez les adolescents, celui-ci n’est toujours pas en vigueur en raison par volonté administrative. Une campagne de vaccination contre le méningocoque B a été initié dans la région de Rennes du fait d’une épidémie. Plus de la moitié des questions reçues par InfoVac concernent les vaccinations contre les méningocoques (plus de 60 par jour !). Les retards dans les décisions de recommander ou de rembourser une vaccination efficace ont de lourdes conséquences en termes de mortalité/séquelles. Nous recommandons vivement la lecture du document du GPIP sur la stratégie à adopter face à cette double épidémie (Lien 1). Espérons que les prochaines recommandations de la CTV incluront ces propositions, que la CT changera de « doctrine » (quel vilain mot pour l’évaluation médicale) et que le Comité Économique remboursera les vaccins contre le méningocoque B de l’adolescent (le Bexsero® ou le Trumemba®).

La bonne nouvelle est la remarquable efficacité de la prévention immunologique des infections à VRS (essentiellement par le Beyfortus®) observée par le réseau PARI (Lien 2), non seulement sur les bronchiolites mais aussi sur les otites (SMR et ASMR modérées pour la CT… remboursement par l’assurance maladie à… 30%) : imaginez le même hiver avec une épidémie de VRS intense…

Rougeole et couvertures vaccinales en Outre-mer. Une épidémie de rougeole de grande ampleur sévit actuellement au Maroc. Les autorités estiment à plus de 30 000 le nombre de cas et à plus de 130 celui des décès, dont un tiers de jeunes enfants. Pourtant, le Maroc était un modèle en matière de couverture vaccinale infantile. La succession de la pandémie de COVID-19, d’un tremblement de terre meurtrier et de grèves dans le secteur de la santé a entraîné un effondrement brutal des taux de vaccination, tombés sous les 60 %. Pour la première fois depuis des années, des enfants sont morts de rougeole aux États-Unis. Là, c’est la défiance vaccinale qui est en cause.

Les Départements et Régions d’Outre-Mer (DROM) français ne sont pas à l’abri d’une telle catastrophe. En Guyane, les couvertures vaccinales pédiatriques, pourtant obligatoires, se sont effondrées. Ce n’est pas l’hésitation vaccinale qui est en cause, mais les difficultés du système de santé. En 2024, SPF signalait déjà une couverture vaccinale insuffisante. Depuis, la situation s’est encore aggravée, en raison d’un manque de professionnels de santé, notamment de médecins de PMI, et de l’absence d’autorisation pour les infirmières de vacciner au sein de ces structures au prétexte que les vaccins obligatoires du calendrier vaccinal nécessitaient une prescription médicale.

Une épidémie de Chikungunya intense a débuté, il y a quelques mois, sur l’Ile de la réunion. Le récent cyclone, avec les pluies et la désorganisation qu’il a entrainé, risque de l’aggraver dans les prochaines semaines. Outre la lutte contre les vecteurs et la protection individuelle, deux vaccins ont maintenant une AMM européenne pour les plus de 12 ans.

  • Le Ixchiq® (Valneva), AMM en juin 2024 mais non encore remboursé : vaccin vivant atténué.
  • Le Vimkunya® (Bavarian Nordic) il y a quelques jours : vaccin recombinant adjuvé (aluminium) constitué de particules pseudo-virales, bien entendu non encore recommandé et remboursé.

En réponse à vos questions

Une jeune adulte de 19 ans, vaccinée (une dose) contre la varicelle à l’âge de 3 ans et n’ayant jamais contracté la maladie, doit-elle recevoir une nouvelle dose ? Oui !!! Pour une protection comparable à celle de l’infection naturelle, deux doses sont nécessaires, administrées à au moins deux mois d’intervalle. Un délai plus long entre les doses n’affecte pas la protection à long terme.

Deux assistantes maternelles, nées dans les années 1980, souhaitent renouveler leur agrément mais n’ont aucun document attestant d’une vaccination contre la rougeole. L’une a une sérologie positive, l’autre non. Que faire ? Pour la première, la sérologie positive prouve qu’elle a eu la rougeole (ou qu’elle a été vaccinée) : aucune vaccination n’est nécessaire. Pour la 2ème, il est préférable d’administrer 2 doses (ROR).

Une patiente de 82 ans souhaite se faire vacciner contre le pneumocoque mais ne rentre pas dans les indications officielles du Prevenar 20®. Peut-elle être vaccinée ? Oui bien sûr et elle doit !!! Depuis 2025, la recommandation de vaccination par le Prevenar 20® concerne les adultes à partir de l’âge de 65 ans et inclut les sujets plus âgés. À cet âge, l’incidence des infections à pneumocoque, est maximale. Certes, l’immunosénescence est susceptible de réduire l’efficacité vaccinale, mais la protection conférée par le vaccin est, de loin, préférable à l’absence de vaccination.

Le champ des vaccinateurs et le calendrier vaccinal s’élargissant, un diaporama de formation en vaccinologie complet est disponible pour tous sur le site InfoVac. Il bénéficiera de mises à jour régulières.

La société européenne de maladies infectieuses (ESCMID) organise un séminaire en ligne sur la vaccination de la femme enceinte. Si vous êtes intéressé cliquez ici.

Robert Cohen, Odile Launay, Cécile Janssen, Catherine Weil-Olivier, Marie-Aliette Dommergues, Véronique Dufour, Maeva Lefebvre, Pierre Bakhache, Pierre Bégué, Joël Gaudelus, Isabelle Hau, Didier Pinquier, Anne-Sophie Romain, Georges Thiebault, Franck Thollot, François Vie le Sage, Hervé Haas.

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