Newsletter Spilf Infovac Spéciale Ukraine
Pour vous aider dans la prise en charge préventive des maladies infectieuses des adultes et des enfants ukrainiens, dans l’attente de recommandations du Haut Conseil de la Santé publique, les informations ci-dessous peuvent vous être utiles. Certaines sont issues de l’Analyse de la situation en matière de Santé publique pour les pays accueillant des réfugiés, faite par le bureau Europe de l’OMS.
L'Ukraine est l'un des pays d'Europe où le fardeau des maladies infectieuses chroniques est le plus lourd, notamment le VIH (39 nouveaux diagnostics pour 100 000 en 2020) et la tuberculose (65/100 000 habitants), multi-résistante (MDR- TB) dans un tiers des cas. En l'absence de dépistage à grande échelle, la prévalence des infections par le VHB et le VHC en Ukraine est inconnue mais parmi les plus fortes sur la région Europe, avec une population sous-vaccinée contre le VHB.
En 2016, les couvertures vaccinales en Ukraine étaient globalement les plus faibles au monde (cf tableau 1).
En 2018, l'Ukraine a connu la plus grande épidémie de rougeole en Europe avec plus de 50 000 cas et 16 décès.
Depuis l’automne 2021, 2 enfants de 2 régions différentes ont présenté une paralysie flasque aiguë, qui constitue la partie émergée de l’iceberg des infections par le poliovirus. Il s’agissait de poliovirus circulant de type 2 dérivé de souche vaccinale (19 souches de PVcDSV ont été isolées à partir de contacts asymptomatiques).
Les couvertures vaccinales s’améliorent significativement depuis 2016 mais restent très nettement inférieures aux objectifs de l’OMS, avec une dette immunitaire particulièrement forte parmi les adultes et les enfants de plus de 2 ans.
L'Ukraine est une zone d'endémicité modérée de l'hépatite A.
L’adhésion à la vaccination Covid-19 est également extrêmement faible (autour de 30 %), en particulier dans la population jeune. Les vaccinations ont été réalisées avec, par ordre décroissant de fréquence, les vaccins de : Pfizer- BioNTech, Sinovac (CoronaVac), AstraZeneca (Covishield, vaccin « EMA-like »), Moderna et Janssen. Le DGS-URGENT N°2021_99 précise les modalités de reconnaissance des schémas vaccinaux et d’obtention du passe sanitaire pour les personnes vaccinées à l’étranger. Dans cette liste de vaccins, seul celui de Sinovac est reconnu par l’OMS mais pas par l’EMA : le schéma complet et documenté doit être complété par une dose de vaccin ARN, au moins 4 semaines après la dernière injection réalisée à l’étranger, puis par une dose de rappel 3 mois après.
L’OMS et l’Unicef monitorent les couvertures vaccinales dans le monde ; voici les données concernant l’Ukraine :
Tableau 1 : Taux de couverture vaccinale en Ukraine (recueil 2014-2019). Les données sont exprimées en %.
Vaccinations | 2019 | 2018 |
2017 |
2016 |
2015 |
2014 |
BCG | 84 | 90 | 85 | 75 | 39 | - |
DTCoq 3 doses |
80 | 69 | 50 | 19 | 23 | - |
Polio inj 1ère dose |
83 | 92 | 43 | 75 | 91 | - |
Polio 3 doses |
78 | 71 | 48 | 56 | 90 | 45 |
VHB naissance |
77 | 67 | 52 | 26 | 22 | - |
VHB 3 doses |
60 | 60 | 49 | 37 | 57 | - |
Rougeole 1ère dose |
93 | 91 | 86 | 42 | 56 | - |
Rougeole 2ème dose | 92 | 90 | 84 | 31 | 57 | - |
Ci-dessous le calendrier vaccinal ukrainien 2018 et une traduction de carnet de vaccination.
Quelles recommandations (cf rattrapage_vaccinal_migrants_primo_arrivants_HAS) ?
Dans ce contexte de faibles couvertures vaccinales, basez-vous sur les seules preuves vaccinales. Toutes les doses de vaccin reçues comptent. Complétez par les doses de vaccin manquantes par rapport au calendrier vaccinal français, sans oublier la vaccination PCV13 chez les < 2 ans, méningo C chez les < 25 ans et HPV à partir de 11 ans.
En l’absence de preuve vaccinale, le rattrapage DTPCoq repose sur 3 doses de vaccin adulte à partir de 16 ans ou pédiatrique (tétra-penta ou hexavalent) pour les < 16 ans, à M0, M2 et M8. Chez les plus jeunes, dont on pense qu’ils sont à jour, on peut proposer une seule dose de vaccin, suivie d’une sérologie tétanos 4 à 8 semaines plus tard.
- Si la réponse en antitoxine tétanique est > 1 UI/ml, le schéma vaccinal peut être considéré comme complet après ce rappel ;
- Si la réponse après cette dose unique < 0,1 UI/ml, l’enfant n’a probablement jamais été vacciné et il faut appliquer un programme complet de rattrapage ;
- Si le taux d’anticorps est entre 0,1 et 1 UI/ml : il faut proposer une dose supplémentaire, 6 mois après.
Procédez largement au dépistage des infections virales VHB (adultes et enfants, sauf vaccination complète depuis la naissance), VIH et VHC (selon l’âge, le statut maternel et les facteurs de risque, ou de manière généralisée) ; et VZV en l’absence d’antécédent de varicelle chez les 12 ans ou plus.
Procédez au dépistage de la tuberculose (TB)
- Chez les ≥ 10 ans, on commence par éliminer le diagnostic de TB-maladie, en réalisant une radio de thorax (RT), à répéter à 1 et 2 ans. Avis Clat si contage récent, symptômes ou anomalies radiologiques.
- Chez les 10-18 ans, le dépistage de l’ITL par test IGRA ou IDR est également recommandé : stop dépistage si test négatif, surveillance RT tous les 6 mois si test positif. La mise en œuvre d’un traitement préventif en cas d’ITL doit tenir compte d’un éventuel contage documenté et de la sensibilité de la souche de M. tuberculosis du cas index. Avis Clat.
- Chez les < 10 ans, en l’absence de symptômes, on dépiste l’infection tuberculeuse par test immunologique.
- Si le test IGRA est négatif ou l’IDR < 5 mm, le dépistage est terminé ; il faudra réaliser le BCG si l’enfant est non vacciné ;
- Si le test IGRA est positif ou l’IDR ≥ 5 mm, il faudra réaliser une RT pour chercher des signes de TB-maladie ;
- Stop dépistage si l’IDR est < 10 mm chez un enfant < 10 ans vacciné par le BCG ;
- Avis Clat/pédiatrie dans les autres situations, ou contage TB, ou immunodépression, ou bien sûr si symptômes.
Aurélie Baldolli, Robert Cohen, Véronique Dufour, Maeva Lefebvre, Isabelle Hau, Julien Mahé, Jocelyn Michon, Catherine Olivier, Didier Pinquier
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