Bulletin n°9 Septembre 2022
Une confusion s’est installée à propos des vaccins COVID. En Europe, à ce jour, le vaccin contient la souche Wuhan (A). Il protège peu de la contagion et des formes bénignes dues aux nouveaux variants, mais reste efficace contre les formes graves, y compris dues à Omicron BA5 : la protection dans ces cas dépend de l’immunité cellulaire, moins sensible aux variations antigéniques que l’immunité humorale. Un schéma vaccinal complet 2+1 (ou une infection se substituant à une dose) réduisant de façon considérable le risque de formes graves, la question est : qui est encore à risque de formes graves ? Les sujets âgés, les personnes immunodéprimées, celles avec des pathologies sous-jacentes graves : la 4ème dose de vaccin leur est donc préférentiellement recommandée. Il est d’ailleurs regrettable que les recommandations actuelles de 4ème dose ne tiennent pas compte des antécédents de maladie. Des vaccins bivalents (A+Omicron) sont disponibles dans certains pays : A+BA1 en Angleterre, A+BA5 aux USA. L’AMM européenne a déjà été obtenue pour le premier, et vient d’être acceptée pour le deuxième, peut-être plus intéressant, car plus proche des virus circulants actuels. Ces vaccins devraient être disponibles en Europe dans le courant du mois d’Octobre. Néanmoins, il ne faut pas s’attendre à ce qu’ils augmentent forcément l’immunité contre le SARS-CoV-2. Le gain de ces vaccins sera possiblement modeste, du fait du phénomène du « péché antigénique originel » ou « empreinte immunitaire » : le système immunitaire, marqué par le premier contact (infection ou vaccination), aura tendance, au contact d’une dose de vaccin Omicron, à renforcer les souvenirs immunologiques contre la souche initiale plutôt que produire des anticorps contre ce dernier. Seules des études d’immunologie plus poussées et les études d’efficacité en vie réelle permettront d’apporter des réponses à cette question.
L’épidémie de Monkeypox est en voie de régression dans les zones et parmi les populations les plus touchées, ceci probablement grâce aux changements de comportement et à la vaccination très bien acceptée. Une série de 16 cas pédiatriques a été rapportée en Espagne, parmi 6749 cas adultes au 13/09/2022). Il s’agissait de 4 enfants (le contaminateur intrafamilial était connu dans 3 cas sur 4), et 12 adolescents (tous contaminés lors de rapports sexuels ou de séances de tatouage).
Nous vous conseillons la lecture de l’article de Carrico et al. dans Pediatrics, évaluant l’efficacité globale du programme de vaccination américain sur les enfants nés en 2017. La cohorte de naissance aux Etats-Unis est 5,5 fois plus importante que la cohorte française, et le calendrier vaccinal américain comporte, contrairement au nôtre, les vaccins contre les rotavirus, la varicelle et l’hépatite A. Les auteurs ont utilisé les données sur l’incidence et les coûts des maladies avant et après l’ère vaccinale, pour calculer le nombre de cas, le nombre de décès et les pertes de productivité, ainsi que les coûts des programmes de vaccination. Résultats : dix-sept millions d’infections prévenues, 31 000 décès évités, des milliards de dollars économisés. Cette étude souligne l’importance de programmes de vaccinations renforcés. Afin de limiter les conséquences de la crise de démographie médicale touchant la France et particulièrement les urgences pédiatriques, la prise de position du Groupe de Pathologie Infectieuse pédiatrique dans « Infectious Diseases Now » plaide pour l’élargissement du calendrier vaccinal en France.
Dans la rubrique "ces maladies que l’on croyait disparues et qui reviennent" :
- le CDC rapporte 13 cas de paralysie flasque aigue à Poliovirus (et 33 cas en cours d’investigation) au 2 septembre 2022 aux Etats-Unis, ce qui sous-tend une diffusion beaucoup plus large et silencieuse de ces virus (repérés dans les eaux usées). Il en est de même au Royaume-Uni, dans la région de Londres (détection dans les eaux usées). Ces cas sont tous dus à une souche (type 2) de vaccin vivant oral qui a muté pour redevenir pathogène. Ces vaccins, s’ils sont encore utilisés largement dans les pays en voie de développement, ne le sont plus dans les pays « riches » depuis 20 ans.
- Santé Publique France alerte sur une augmentation du nombre de cas importés de diphtérie en France et en Europe: alors que la France rapportait depuis les dernières décennies quelques cas sporadiques annuels, le Centre national de référence a répertorié depuis début 2022, 29 cas de diphtérie (7 cas d'infection à ulceranset 22 cas d'infection à C. diphtheriae). Cette augmentation concerne à la fois Mayotte, la Réunion et la Métropole, où 6 cas importés de diphtérie cutanée ont été déclarés depuis le 30 juin 2022, et pourrait être la conséquence d'une baisse de la couverture vaccinale diphtérie dans certains pays. Une seule solution pour ces deux maladies : être à jour de ces vaccinations.
Robert Cohen, Maeva Lefebvre, Odile Launay, Catherine Weil-Olivier, Olivier Romain, François Vie le Sage, Pierre Bakhache, Pierre Bégué, Véronique Dufour, Joël Gaudelus, Marie-Aliette Dommergues, Hervé Haas, Isabelle Hau, Georges Thiebault, Didier Pinquier, Franck Thollot, Claire-Anne Siegrist.
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