Bulletin N°6 - Juin 2024

Bulletin N°6 - Juin 2024

Communiqué – Coqueluche

GPIP(1), SPILF (2), GEFRUP(3),  AFPA (4)

Contexte

Depuis janvier 2024, une augmentation inhabituelle de cas de coqueluche a été observée dans différents pays d’Europe et notamment en France, dont certains cas chez les très jeunes nourrissons, ayant abouti à des hospitalisations en réanimation et à des décès. Selon Santé publique France le nombre de détections par PCR de Bordetella pertussis a dépassé 6000 cas entre janvier et mai 2024, avec une nette accélération en mai. La hausse actuelle pourrait être la conjonction du caractère cyclique des épidémies de coqueluche et du rôle des mesures barrières mises en place lors de l’épidémie COVID. Comme pour d'autres pathogènes respiratoires, la diminution de circulation de B. pertussis pendant l’application stricte de ces mesures barrières a probablement entrainé, au sein d’une population vaccinée, une absence de boosting naturel de l’immunité à l’échelle individuelle et collective, leur levée s’accompagnant d’un retour en force de ces pathogènes (concept de dette immunitaire). Cette recrudescence épidémique a amené le ministère de la Santé à communiquer via le MARS n°2024_07 et le DGS-Urgent n°2024_08 diffusés le 7 juin 2024, en rappelant l’importance des mesures de prévention, notamment la vaccination de la femme enceinte, pour limiter les cas graves de coqueluche des nouveaux nés et nourrissons.

L’intensité de l’épidémie et l’inquiétude qu’elle a suscitée auprès des professionnels de santé et du public ont entrainé des ruptures d’approvisionnement de réactif de PCR, un pourcentage de tests positifs faible et a contribué aux pénuries de macrolides en particulier les formes pédiatriques. Le but de ce communiqué est de rappeler les indications de la prévention, du diagnostic et du traitement.

Prévention

Elle repose essentiellement sur l’application stricte des recommandations vaccinales contre la coqueluche en insistant sur :

  • D’abord et avant tout, la vaccination maternelle qui est recommandée en France depuis 3 ans et qui est trop faiblement appliquée,
  • L’application des mesures de cocooning aux familles et tout autre personne s’occupant du nourrisson quand la mère n’a pas été vaccinée,
  • La vaccination des nourrissons dès l’âge de 8 semaines.

L’application des mesures barrières et notamment le port du masque réduit le risque de transmission. L’éviction de la collectivité est recommandée en l’absence de traitement jusqu’à 3 semaines après le début de la toux et de 3 à 5 jours en cas de traitement. En cas d’envoi aux Urgences d’un cas suspect, le service doit être prévenu afin que les mesures d’isolement appropriées soient prises dès l’arrivée.

Diagnostic

Le diagnostic se fait par détection du génome des Bordetella par test PCR à partir d'un écouvillonnage nasopharyngé profond ou d’une aspiration. En effet :

  • La culture sur milieux spécifiques est moins sensible que la PCR mais permet de suivre l’échappement vaccinal et d’identifier la résistance aux macrolides.
  • La sérologie n’a plus sa place et n’est plus recommandée ni remboursée.

Dans la situation actuelle de forte tension des laboratoires (impossibilité d’obtenir l’examen ou retard à l’obtention des résultats) il est nécessaire de rappeler que les PCR ne sont pas indiquées :

  • chez un malade toussant depuis plus de 3 semaines ; dans ce cas, le diagnostic de cas plus récents dans l’entourage peut aider au diagnostic du cas index ;
  • chez tout malade avec symptômes évoquant la coqueluche ET contact même occasionnel d’un cas confirmé biologiquement, le traitement pouvant être prescrit sans test ;
  • de même, chez tous les patients « contacts proches ou occasionnels asymptomatiques » tels qu’ils sont définis par le Haut Conseil de Santé publique.

Lors de la survenue d’un cluster dans une collectivité, en période de pénurie, seuls les premiers cas et les personnes à risque de forme grave (nourrissons, femmes enceintes, personnes immunodéprimées) nécessitent une confirmation biologique.

Les PCR sont indiquées chez :

  1. Les nouveau-nés et les jeunes enfants non ou incomplètement vaccinés avec épisode de toux quinteuses évocatrices ou associées à des apnées ;
  2. Les enfants vaccinés, les adolescents et les adultes, avec une toux de plus de 7 jours sans autre cause, lorsque la dernière vaccination date de plus de 3 ans ;
  3. Les enfants, adolescents, adultes vaccinés depuis moins de 3 ans, avec une toux de plus de 7 jours sans autre cause évidente, ET en contact avec un cas confirmé de coqueluche;
  4. Les enfants, adolescents, adultes vaccinés de plus de 3 ans, présentant des symptômes compatibles ET dans l’entourage proche d’un nourrisson de moins de 5 mois ;
  5. Les patients immunodéprimés et présentant des symptômes compatibles.

Si la pénurie se confirme et/ou s’amplifie, il n’est pas exclu qu’il faille limiter les indications de la PCR aux formes graves ainsi qu’au premiers cas de cluster.

Traitement

Les macrolides sont recommandés pour réduire la transmission mais ils sont peu ou pas efficaces sur la symptomatologie. Cependant, chez le jeune nourrisson suspect de coqueluche un traitement précoce permettrait de diminuer le risque de forme grave. Ils sont donc indiqués :

  • En curatif, dans les 21 jours qui suivent les premiers symptômes :
    1. Coqueluche prouvée biologiquement,
    2. Ou, en l’absence de diagnostic biologique,
      1. chez un patient symptomatique qui a été en contact avec un cas prouvé (cf chap. précédent)
      2. dans le cas d’une forte suspicion clinique chez le nourrisson dans l’attente de confirmation biologique
  • En prophylaxie chez les sujets contacts proches ou occasionnel mais à risque, dont la dernière vaccination coqueluche date de plus de 5 ans, dans les 21 jours qui suivent le dernier contact avec le cas index.

Du fait de tensions d’approvisionnement en macrolides il est essentiel de limiter les prescriptions aux seules indications citées plus haut. Actuellement, du fait de leur disponibilité et de la possibilité de traitement court, seules la clarithromycine et l’azithromycine (lien 1) sont recommandées en France. La clarithromycine doit être préférée (si elle est disponible) du fait du fort impact écologique de l’azithromycine. Les difficultés d’approvisionnement touchant principalement les formes enfants, il ne faut pas hésiter dès 6 ans à utiliser les formes adultes en adaptant approximativement la posologie en mg/kg. L’alternative est le cotrimoxazole.

La résistance de B. pertussis aux macrolides est observée principalement en Chine et dans les pays du Sud-Est Asiatique, mais rare ailleurs. En France, le Centre National de Référence (CNR) de la coqueluche rapporte trois cas confirmés (2,8% parmi les isolats 2024) de résistance aux macrolides depuis le début de l'année 2024 (jusqu’alors, 1 seul cas en 2011 avait été rapporté en France, aucun sur le reste de l’Europe). Le signal est faible mais nécessite une surveillance rapprochée par la remontée au CNR de souches de prélèvements, notamment issus de nourrissons hospitalisés, ou en cas d’aggravation après initiation du traitement. Concernant les autres alternatives thérapeutiques possibles, B. pertussis est sensible in vitro à la ciprofloxacine et la doxycycline. Dans les 2 cas, il n’y a aucune étude clinique, et les CMI de la doxycycline sont relativement élevées (entre 1 et 2 mg/l).

Formes malignes de coqueluche chez le nourrisson

Il convient d’insister sur la recherche et la détection des signes cliniques (détresse respiratoire même en dehors des quintes, malaise sévère, tachycardie sine materia, signes de choc) et biologiques (hyperleucocytose > 30 000/mm3 (ou 30G/L) prédominant sur les lymphocytes, rapidité d’augmentation de la leucocytose) évocateurs et souvent précoces dans l’évolution de la maladie. La présence d’au moins un de ces signes nécessite de prendre avis auprès du service de réanimation pédiatrique du secteur et un monitoring régulier. L’indication de thérapeutiques spécifiques (leucaphérèse, plasmaphérèse, échanges transfusionnels, etc.) sont à discuter au cas par cas avec les équipes de réanimation. Une échographie cardiaque doit être systématique à la recherche d’une HTAP de mauvais pronostic. En cas d’HTAP avec ou sans défaillance circulatoire, il est recommandé de prendre avis auprès d’un centre expert ECMO.

Julie Toubiana1,2, Hervé Haas1, Philippe Lesprit2, Etienne Javouhey3, Andreas Werner4, Jeziorski Eric1, Phillipe Minodier1, Didier Pinquier1, Yves Gillet1,2, Marion Grimaud3, Jean-Paul Stahl2, Medhi Oualah3, Bernard Castan2, Robert Cohen1,2,3.

Un document comportant les questions/réponses InfoVac sur la coqueluche est disponible en cliquant ici.

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