Bulletin n°5 Avril (Bis) 2021
L’Agence Européenne du Médicament (EMA) et l’ANSM ont établi un lien probable entre des accidents thromboemboliques graves (thrombose veineuse cérébrale- (TVC), thrombose splanchnique (TS), CIVD) et l’administration du vaccin AstraZeneca (Vaxzevria®). Le comité de sécurité de l’EMA, sur la base de 62 cas de TVC et 24 TS, dont 18 décès rapportés au 22/03/21 pour 25 millions de vaccinés en Europe, a confirmé ce risque, ajouté cet effet indésirable rare dans la notice du produit et souligné l’efficacité des systèmes de pharmacovigilance (https://www.ema.europa). Dans le rapport du 02/04/21, l’ANSM a recensé en France 12 cas de TVC ou TS dont 4 décès, pour 1,9 millions de vaccinés en France. Ces thromboses ont concerné majoritairement des femmes de moins de 60 ans, sont survenues 7 à 16 jours après l’injection et se sont accompagnées le plus souvent de thrombopénies. Aucun autre facteur de risque n’a pu être identifié. L’hypothèse principale est une thrombopénie auto-immune par un mécanisme proche de la thrombopénie induite par l’héparine (lien 1 et lien 2) (anticorps anti-PF4-héparine). Les signes qui doivent faire consulter, s’ils persistent plus de 3 jours ou s’intensifient : maux de tête, douleurs abdominales, nausées ou vomissements, troubles visuels, signes respiratoires ou purpura (https://ansm.sante.fr). L’OMS comme l’EMA ne remettent cependant pas en cause le rapport bénéfice risque de ce vaccin.
La France limite son usage aux plus de 55 ans, le Royaume Uni aux plus de 30 ans, d’autres pays aux plus de 60 ans ; rares sont ceux qui ont interrompu la vaccination. Nous vous conseillons la lecture du document de l’université de Cambridge qui donne une approche du rapport bénéfice/risque en fonction de l’âge, dans les 4 mois qui suivent le vaccin. Pour les personnes de moins de 55 ans ayant reçu une 1ére dose, la HAS recommande une 2e dose par vaccin à ARNm, 12 semaines après la 1ère. Bien qu’utilisant des technologies différentes, ces deux types de vaccin conduisent à la production de la protéine S du SARS-CoV-2, contre laquelle est dirigée la réponse immunitaire. Cette technique, qui consiste à administrer un vaccin différent de celui utilisé pour la 1ère, porte le nom de Prime-Boost hétérologue et donne des résultats d’immunogénicité au moins égaux au Prime-Boost homologue. Des études sont en cours dans le cadre du programme Vaccelerate et les premières données relatives au prime-boost hétérologue pour le SARS-CoV-2 sont encore limitées mais encourageantes.
Concernant le vaccin Johnson&Johnson, vaccin vectorisé sur un adénovirus humain (Ad26 au lieu d’un adénovirus de chimpanzé (ChAdOx1-S) pour le vaccin AZ), l’EMA a renforcé la surveillance, mais à ce jour, il n’y a aucune preuve d’une relation entre le vaccin et les rares accidents thromboemboliques survenus (1 au cours de la phase 3, 3 depuis son utilisation aux USA).
Du fait de l’approvisionnement insuffisant des vaccins, et des données d’efficacité disponibles dans les pays ayant mis en place cette stratégie, le gouvernement vient de décider (enfin !!!) de l’espacement des doses des vaccins à ARNm à 6 semaines pour permettre de vacciner en première dose plus de personnes en attendant des livraisons plus importantes.
En revanche, le DGS-Urgent du 10 Avril 2021 précisent que l’injection d’une 3ème dose de vaccin à ARNm est nécessaire pour les personnes sévèrement immunodéprimées (transplantés d’organes solides, transplantés récents de moelle osseuse, patients dialysés, patients atteints de maladies auto-immunes sous traitement immunosuppresseur fort de type anti-CD20 ou anti-métabolites). Cette injection doit intervenir 4 semaines au moins après la 2ème dose.
Pour les autres vaccins, les données de distribution des vaccins à la fois « pédiatrique » et « adulte » suggèrent encore des baisses significatives des couvertures vaccinales pour l’année 2020. Il ne faudrait pas ajouter au fardeau du COVID une résurgence des maladies prévenues par les vaccins au décours de la pandémie. Le rattrapage vaccinal devient une priorité… pensez-y.
En réponse à vos questions.
Les accidents thromboemboliques graves survenus au décours de l’administration du vaccin AstraZeneca sont-ils dus à l’administration intravasculaire et doivent-ils conduire à aspirer avant d’injecter les vaccins ? Non, l’hypothèse semble complètement farfelue… Comment imaginer que l’injection faite dans le deltoïde puisse donner au moins une semaine après, des thromboses à distance (cérébrales ou splanchniques)? L’hypothèse principale est une thrombopénie auto-immune déclenchée par le vaccin par un mécanisme proche de la thrombopénie induite par l’héparine (1, 2) (anticorps anti-PF4-héparine).
L’abécédaire sur les vaccins contre la COVID-19 est mis régulièrement mis à jour, n’hésitez pas à venir le consulter.
Robert Cohen, Catherine Weil-Olivier, Odile Launay, Joël Gaudelus, Didier Pinquier, Pierre Bégué, Pierre Bakhache, Marie-Aliette Dommergues, Véronique Dufour, Hervé Haas, Isabelle Hau, Olivier Romain, Georges Thiebault, François Vie le Sage, Claire-Anne Siegrist.
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