Bulletin N°12 Novembre 2020 - Spécial COVID
Dix mois après l’identification du génome du SARS-CoV2, les annonces de PFIZER, puis de MODERNA, puis ASTRAZENECA concernant l’efficacité clinique de leurs vaccins contre les COVID-19 symptomatiques dans les études de Phase 3 sont d’excellentes nouvelles. Cette avancée remarquable a été soutenue par la volonté et les efforts internationaux constants, des partenariats public/privé.
- Les deux premiers sont des vaccins à ARN messager (aucun de ce type n’est commercialisé pour l’homme à ce jour). Cette technologie utilise un ARNm synthétique enveloppé d’un lipide pour former une nanoparticule qui, pénétrant dans les cellules, utilise sa machinerie enzymatique cellulaire (comme le fait le virus naturel) pour produire la protéine S ou "spike" : protéine antigénique qui permet aux virus de rentrer dans les cellules et vis-à-vis de laquelle l’hôte s’immunise. L’ARNm ne pénètre pas dans les noyaux et ne risque pas de s’intégrer dans le génome. Il ne subsiste pas plus de 48 heures tel quel dans l’organisme. Les deux études multicentriques (près de 150 centres concernés dans le monde) cumulent plus de 70 000 patients inclus (de 18 à 85 ans), également répartis dans les 2 groupes : vaccinés et contrôles. Environ 30% de personnes de 65 ans et plus et 30-40% de sujets porteurs de facteurs de risque ont été inclus. Globalement, l’incidence de la COVID-19 sur l’ensemble des cohortes était relativement faible (0,5%) durant la durée de surveillance (quelques semaines). Les résultats de l’efficacité des deux vaccins (>94%) après deux doses reçues à 28 jours d’intervalle sont significatifs et se retrouvent dans toutes les tranches d’âge (notamment au-delà de 65 ans), les deux sexes, et quelle que soit l’ethnie. L’efficacité semble comparable sur les formes sévères, mais le nombre de cas est très faible. A court terme, aucun problème de sécurité n’a été mis en évidence.
- ASTRAZENECA a aussi annoncé des résultats encourageants avec leur vaccin développé en association avec l’Université d’Oxford. Ce vaccin, d’une technologie très différente des précédents, un adénovirus du chimpanzé (ChAdOx1) servant de vecteur, aurait une efficacité de 60 à 90% en fonction des schémas utilisés.
Tant que les données se limiteront à des annonces médiatiques sans publications et/ou rapport officiel, il sera difficile de comparer ces différents vaccins.
De nombreuses interrogations restent en suspens, qui devraient trouver des réponses dans les prochaines semaines ou mois. Quelle sera la durée de la protection (la recherche se poursuit sur la durée de protection post-infection naturelle - plusieurs mois et plus longue pour l’immunité cellulaire) ? Ces vaccins limitent-ils les risques de transmission, laissant escompter une protection de groupe ? Les mutations régulières du SARS CoV-2 avec ses potentielles variations antigéniques impacteront-elles l'efficacité ?
Enfin, restent d’autres points essentiels :
- L’enregistrement des vaccins : les agences américaine et européenne ont mis en place des processus d’évaluation rapide devant permettre des autorisations d’utilisation d’urgence dans des délais courts (avant la fin de l’année), accompagnées d’emblée par un plan rigoureux de pharmacovigilance.
- Préciser la sécurité sur le long terme, avec des cohortes plus importantes et des durées de surveillance prolongées pour identifier la fréquence et le type de réactions secondaires rares mais graves. Une surveillance de deux ans est prévue dans ces deux études de phase 3.
- La disponibilité de ces vaccins est un enjeu majeur, sous-tendue par les difficultés potentielles de production, car il s’agit de plusieurs centaines de millions de doses. L’Europe a fédéré ses efforts avec un pré-achat de 300 millions de doses, réparties entre plusieurs industriels.
- La mise en place de la logistique, qui est d’une complexité accrue pour ces premiers vaccins à RNA : congelés, ils nécessitent une infrastructure particulière de conservation et de distribution. Des RNAses sont partout dans la nature, impliquant une conservation à -70° (Pfizer) ou -20° (Moderna) sur le long terme, donc des congélateurs adaptés et une utilisation très rapide sur le terrain (nombre de jours limité au réfrigérateur à +2°C - +8°C). La conservation du vaccin Astrazeneca est plus classique.
- Leur administration, dans un futur proche en France : les premiers milliers de doses disponibles dans le 1er trimestre 2021 seront administrés de façon préférentielle aux professionnels de santé, aux personnes âgées et aux personnes vulnérables.
- Enfin, si ce niveau d’efficacité et de tolérance se confirme, ces vaccins seront enregistrés rapidement et cela posera différents problèmes et dilemmes : pourra-t-on continuer longtemps à ne pas vacciner les patients inclus dans les groupes placebo ? La barre sera haute pour les vaccins en développement, des études versus placebo devenant difficile à mener.
Les vaccins, bien entendu, constituent potentiellement une part importante des moyens de lutte contre la pandémie, et les résultats de ces trois vaccins sont encourageants, et plusieurs autres vont suivre (déjà ou prochainement en phase 3 (cliquez ici.) Ceci ne doit en aucun cas faire oublier les mesures efficaces (distanciation sociale, autres mesures barrières) qui doivent être maintenues plus que jamais, ainsi qu’une bonne utilisation des tests diagnostiques, notamment rapides. Vous pouvez en apprendre plus sur les tests antigéniques ( pdf en cliquant ici (83 KB) ) et les leçons des échecs de la pandémie ( pdf en cliquant ici (67 KB) ).
Catherine Weil-Olivier, Odile Launay, François Vie le Sage, Hervé Haas, Marie-Aliette Dommergues, Pierre Bégué, Didier Pinquier, Pierre Bakhache, Véronique Dufour, Joël Gaudelus, Isabelle Hau, Olivier Romain, Georges Thiebault, Robert Cohen.
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