Bulletin n°11 Septembre 2021
L’actualité vaccinale est tellement riche que, pour la première fois depuis le début de son existence il y a 20 ans, le bulletin InfoVac comporte 2 pages. En effet, la rentrée est marquée par l’intensité de l’épidémie due au variant ∂, la vaccination des adolescents, la réouverture des écoles et la recommandation d’une troisième dose à venir pour une partie non négligeable de la population.
L’ensemble des sociétés savantes pédiatriques s’était prononcé en faveur de la vaccination des adolescents malgré le sur-risque de myocardites-péricardites aiguës chez le garçon après la 2ème dose. Ce risque conduisait, d’une part à faire une sérologie (TROD) au moment de la 1ère dose (pour éviter les 2èmes doses inutiles chez les nombreux adolescents ayant déjà eu un contact avec le virus) et d’autre part éventuellement à attendre des données complémentaires avant d’effectuer la 2ème dose chez les garçons dont la sérologie était négative. A présent, les arguments en faveur de l’administration rapide de la 2ème dose, dans les délais recommandés (3 à 4 semaines), s’accumulent :
- le ∂ est tellement contagieux qu’on ne peut imaginer que les non vaccinés ne le contractent pas,
- le % d’adultes vaccinés en France a bien progressé (85% > 18 ans ont déjà reçu au moins une dose)
- une évaluation plus complète de la sécurité des vaccins est maintenant disponible. Une large étude israélienne, notamment, a comparé l’incidence de plus de 25 effets indésirables potentiellement graves à court et moyen terme chez 884 828 personnes vaccinées (Cominarty®) à celle d’autant de personnes non vaccinées. Dans cette cohorte plutôt jeune (âge médian de 38 ans), le risque de myocardite est multiplié par 3,2, principalement après la 2ème dose. Afin de mieux apprécier la balance bénéfice/ risque, les auteurs ont également eu recours à une analyse chez des personnes infectées par le SARS-CoV2 (n=173 106), appariées à autant de personnes non infectées. Le risque est alors multiplié par 12 pour les myocardites, par 5 pour les péricardites. Le sur-risque de myocardite post-vaccination, estimé entre 1 à 5 cas pour 100 000 personnes, est donc à interpréter en fonction de celui induit par la maladie, estimé entre 6 à 16 cas pour 100 000 personnes.
Des données en apparence contradictoires sont publiées sur la durée de protection conférée par les vaccins et la maladie. En fait, la réponse est complexe et doit faire prendre en compte plusieurs paramètres :
- Le niveau de protection que l’on espère obtenir : 70%, 80%, 90% ?
- Les formes cliniques que l’on veut protéger (décès, séjours en réanimation ou soins intensifs, hospitalisations, formes ambulatoires, formes pauci-symptomatique, transmission…)
- Les spécificités du patient (sujet âgé, pathologies sous-jacentes…)
- Les virus impliqués : les variants moins sensibles aux vaccins comme le ∂ nécessitent des concentrations d’anticorps plus élevées.
Ces études concluent à une durée de protection plus courte chez les sujets fragiles et/ou âgés, pour les variants (moins sensibles aux vaccins), pour les formes les moins graves et pour les transmissions.
Ceci amène, dans le contexte de 4ème vague due au ∂, à proposer en France une 3ème dose, ou plutôt un rappel (6 mois après la 2ème) aux sujets les plus à risque de formes graves dans un premier temps, puis probablement aux sujets plus jeunes, afin de renforcer l’effet de groupe comme en Israël ou aux USA. Cette dose de rappel est bien entendu à proposer aussi aux patients vaccinés avec les vaccins Astra-Zeneca ou ayant reçu une dose de Johnson&Jonhson (les schémas hétérologues paraissant très immunogènes). L’immunité contre le SARS-CoV-2 étant plus érodée par le temps qu’effondrée, en particulier contre les formes graves, des voix (dont celle de l’OMS) s’élèvent contre cette 3ème dose (pour notamment concentrer les efforts sur les non vaccinés en France et dans le monde).
Rappel ou 3ème dose de vaccin. La vaccination (ou l’infection) entraîne une augmentation du nombre de cellules immunitaires spécifiques à (ou aux) antigène(s) présenté(s). Ces cellules produisent des anticorps et d'autres molécules permettant de lutter contre l’agent pathogène. Ce pool de cellules diminue ensuite lentement, mais il reste au décours une petite quantité de lymphocytes B et T "mémoires" de longue durée, en vue d'infections futures. Le rappel a plusieurs effets :
- Il provoque la multiplication des cellules B productrices d'anticorps, ce qui augmente à nouveau le taux d'anticorps contre l'agent pathogène. Avec le temps, leur nombre diminuera à nouveau, mais le pool de cellules B « mémoires » sera plus important, ce qui entraînera une réponse plus rapide et plus forte lors des expositions ultérieures.
- Il augmente l’affinité des anticorps par un processus au cours duquel les cellules B se déplacent vers les ganglions lymphatiques où elles acquièrent des mutations. Ces mutations produisent des anticorps qui se lient plus fortement aux agents pathogènes, ce qui peut renforcer leur efficacité.
Pour nombre de vaccins existants, un délai de plusieurs mois (environ 5 à 6 mois) maximise cet effet rappel. Les schémas vaccinaux proposés pour les hexavalents, vaccin anti-pneumococcique conjugué ou contre les papillomavirus suivent ces schémas. Récemment, Pfizer a annoncé qu’une troisième injection du Cominarty®, administrée 5 à 6 mois après les deux premières doses, suscitait en moyenne des taux d’anticorps trois fois supérieurs à ceux de la deuxième dose, laissant entrevoir une bonne efficacité contre le variant ∂. Un avis de la HAS précise l’ordre des priorités pour la dose de rappel en France avec les deux vaccins à ARNm disponibles. On peut postuler que pour les patients ayant fait la maladie COVID-19 avant ou après une ou deux doses vaccinales, la maladie pourrait avoir le même effet de stimulation immunitaire qu’une injection vaccinale. Le nombre de cellules B « mémoires » et les niveaux d'anticorps finissent par se stabiliser après des rappels répétés (ou une réinfection), mais il est peu probable que de tels niveaux aient été atteints chez les personnes ayant reçu le schéma vaccinal recommandé pour la COVID-19 ou infectées auparavant. Une injection de rappel suscite des réponses immunitaires plus fortes.
En réponses à vos questions
Le fait de présenter depuis quelques mois des symptômes évocateurs de COVID long est-il une contre-indication à la vaccination ? Non au contraire… Dans l’état actuel des connaissances scientifiques, il n’y a pas de contre-indication à la vaccination des patients présentant des symptômes prolongés de la covid-19. Au contraire, dans le cas de symptômes prolongés de la covid-19 liés à une infection non contrôlée, la vaccination semble contribuer à la guérison. Selon une étude sur la tolérance du vaccin de Pfizer, le fait de souffrir ou d’avoir souffert de « Covid long » n’était pas associé à une mauvaise tolérance du vaccin. Chez 44 patients souffrant de « Covid long » et vaccinés, une absence d’aggravation voire une amélioration de la qualité de vie étaient le plus souvent rapportées ? Une enquête menée auprès de 812 personnes : après la 1ère dose de vaccin, 56,7 % rapportaient une amélioration de leurs symptômes, 24,6 % une absence de modification et 18,7 % une aggravation. Au total, une dose unique de vaccin peut donc être administrée à partir de deux mois après le début de l'infection chez les personnes avec des symptômes prolongés.
Que pensez-vous de la recommandation du comité d’orientation stratégique de pratiquer une 3ème dose de vaccin à ARNm quand le délai entre les 2 premières doses dépassait 3 mois ? Le Comité a fait cette recommandation avec des objectifs louables : d’une part, respecter les AMM (c’est avec les délais recommandés qu’ont été évaluées l’efficacité et la tolérance de ces vaccins) et d’autre part contrôler l’émergence du ∂ et protéger le maximum de personnes (2 doses étant nécessaires contre ce variant). Néanmoins, aucune étude d’immunogénicité, efficacité ou tolérance n’appuie cette décision qui va à l’encontre d’une des règles fondamentales du rattrapage en vaccinologie : « toutes les doses de vaccins reçues comptent, indépendamment du délai écoulé depuis la dernière dose reçue, dès lors que l’âge minimal, l’intervalle minimal entre les doses et la dose d’antigène recommandée pour l’âge ont été respectés ». InfoVac ne connait aucun exemple ou une augmentation de l’intervalle entre 2 doses diminue l’immunogénicité, le seul inconvénient étant une protection incomplète en attendant. De plus, cette 3eme dose chez des sujets jeunes (au maximum de leur immunocompétence) n’est peut-être pas sans risque (cf risque de myo-péricardite après la deuxième dose chez les sujets jeunes). L’application de cette nouvelle règle devrait se faire avec beaucoup de souplesse et de tolérance et concernera, nous l’espérons, peu de personnes et en particulier pas de sujet jeune.
Peut-on administrer la 2eme dose de Comirnaty® à une personne d’une trentaine d’années ayant présenté, 12 h après sa 1ere injection, de multiples ganglions axillaires et mammaires sensibles ? OUI !!! L’apparition de ganglions est une réaction fréquente qui témoigne de la mise en route du système immunitaire et qui ne contre-indique en rien l’injection suivante.
L’Abécédaire des questions-réponses sur la vaccination COVID-19 a été mis à jour !!!
Le groupe Vaccinologie de la SPILF & InfoVac publie chaque semaine une lettre résumant les principales publications sur la vaccination anti-Covid
Robert Cohen, Maeva Lefebvre, Olivier Romain, Catherine Weil-Olivier, Véronique Dufour, Pierre Bégué, Pierre Bakhache, Marie-Aliette Dommergues, Joël Gaudelus, Hervé Haas, Isabelle Hau, Odile Launay, Didier Pinquier, Georges Thiebault, François Vie le Sage, Claire-Anne Siegrist.
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